Le
lièvre à la royale est souvent décrit comme un monument de la gastronomie française. On relate sans cesse la même légende ; celle du vieux Louis XIV, de la perte précoce de ses dents et de ses cuisiniers ingénieux qui inventèrent ce plat royal et mythique.
Il faut dire qu’en France lorsqu’il est question de monarchie on pense irrémédiablement à Louis XIV, comme si l’avant et l’après n’avaient pas tout à fait existé. Les articles sur le sujet viennent conclure en parlant d’une prétendue lutte entre la version de Marie- Antoine Carême et celle de Aristide
couteaux (un sénateur semble-t-il plus connu pour sa gourmandise que pour la politique qu’il menait. Mais n’est-ce pas là le propre des sénateurs ?). Il est de bon ton, aujourd’hui de prétendre préférer l’une à l’autre. Les techniciens vantent Carême, les puristes du produit et du goût s’acharnent à défendre Couteaux. Rappelons aux profanes que ni l’un ni l’autre ne sont contemporains du vieux Louis.
François Pierre de la Varenne et son ouvrage le Cuisinier François ou Pierre de Lune, cuisiniers du Grand Siècle ne font nulle mention de pareille recette. Chez eux les levreaux sont bardés et bien rôtis comme il était d’usage de le faire à la cour de France. Louis les mangeait-il peut-être au pot plutôt qu’à la broche, bien noirs et bien confits mais alors pourquoi parler de lièvre à la royale plutôt que simplement de
civet, une recette déjà bien connue ?